Autoconstruction, Yggdrasil

Tiny qui roule n’amasse pas maousse

Tiny qui roule n’amasse pas maousse

Article paru dans Yggdrasil n°1 – juin 2019

Une maison qui peut se déplacer, confortable, minimaliste… telles sont les promesses de la tiny house (minuscule maison, en anglais). C’est avec cette maisonnette roulante que s’ouvre une série sur l’habitat résilient. Elle connaît un engouement certain depuis quelques années, allons donc découvrir pourquoi, et ce qui se cache derrière la porte. En route pour une nouvelle façon d’habiter…

Tiny qui roule n’amasse pas maousse
©Yvan-Saint-Jours

Le monde qui s’ouvre à nous est truffé d’incertitudes. Habiter demain risque d’être une véritable aventure. Nous qui sommes au sommet des pays riches, protégés et non-belligérants avec un voisin, abordons encore notre rapport à l’habitat avec grand confort. La taille moyenne des maisons construites en 2014 est de 122 m2 sur des terrains de 1 000 m2. Certes, nous avons des lois qui nous invitent à maîtriser les consommations d’énergie de la future habitation. Mais quid des matières premières ? De l’exploitation ou l’extraction à la transformation et à l’acheminement… cette énergie (appelée énergie grise) est absente des calculs. Bien sûr, il y a des matériaux écologiques, qui subissent toutefois le même processus sauf quand, à quelques exceptions près, ils sont locaux et peu ou non transformés (comme la terre crue, la paille, le bois…). Quoi qu’il en soit, une maison, écologique ou pas, a un impact lors de sa construction et aura un impact durant toute sa vie.
Mais qu’est-ce que c’est que « toute la vie » d’une maison au juste ? Surtout à l’aube de potentiels effondrements qui vont peut-être nous contraindre à tout revoir ces prochains temps : nos consommations d’énergie pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, nos consommations d’eau potable et non-potable, l’épuration de nos eaux usées… et, cerise avec un gros noyau sur le gâteau à la crème, le potentiel déménagement soudain et subi pour cause de – au choix, cocher la bonne case (possibilité de choix multiples) – dérèglements climatiques induisant des « catastrophes naturelles » à répétition, pannes généralisées de courant, qualité de l’eau instable, destruction des forêts, flux migratoires, pollutions chimiques ou radioactivité, invasion de moustiques…
La première des bonnes attitudes vis-à-vis de l’habitat serait probablement pour certain·e·s de devenir le plus autonome possible, de tisser des liens forts avec le voisinage et, pour d’autres, d’accepter de devenir nomades.
Alors, la tiny serait-elle la panacée ? Oui et non (j’ai vécu en Normandie, du coup il y a des restes). Mais alors, si ce n’est pas la panacée, pourquoi la présenter ici ? Eh bien, parce qu’il n’existe pas de panacée ! La tiny est très résiliente comme habitat, mais moins comme construction. En effet, en partant du principe que la filière du bâtiment dégringole, alors il ne serait plus possible de trouver des panneaux de bois, du frein-vapeur, du pare-pluie… Conclusion : faites des tiny avant !

Principaux atouts

Impact sur le terrain : nul. La surface des roues de la remorque est anecdotique. Le fait qu’elle puisse bouger facilement permet de surcroît un retour sans dommage du terrain qui l’hébergeait.
Son volume très réduit induit une consommation d’énergie très faible pour la chauffer.
Sa petite taille est aussi un atout quant aux longueurs de canalisations de plomberie, il y a donc très peu de déperdition d’énergie.
La mobilité force à revoir son rapport aux toilettes. La majeure partie des tiny sont donc équipées de WC secs (simple seau avec copeau de bois) ou de toilettes à séparation (les urines rejoignent les eaux grises et les matières fécales sont desséchées pour être compostées ultérieurement).
Il en est de même pour la production d’énergie. De plus en plus de candidats à ce type d’habitation optent pour une autonomie à l’aide de panneaux photovoltaïques et de batteries.
Et, pour finir, un aussi petit espace force au minimalisme. Se libérer du matériel… une des clefs de la résilience !

Points d’attention

Qui dit maison en bois dit bois, qui dit bois dit conductivité importante de l’électricité. Gare aux champs électriques ! Prévoyez des câbles blindés (reliés à une terre extérieure) ou des interrupteurs automatiques de champs (fusibles qui désactivent le courant sur une ligne électrique lorsqu’il n’y a plus de besoin). Autre solution : pensez au 12 ou 24 V. Une installation en courant faible n’émet quasiment pas de champs électriques. Et encore une autre solution : pour les plus rustiques, un aussi petit volume peut se contenter de 2 ou 3 prises et d’un bloc central que l’on coupe en cas de non-utilisation.
Le volume très petit ne permet pas à l’humidité générée par notre respiration ou nos activités (cuisine, salle d’eau…) d’être gérée correctement. Il est important d’aérer souvent. Pour cela, beaucoup de constructeurs installent une petite ventilation mécanique contrôlée double-flux, mais, dans les faits, peu d’habitants l’utilisent en permanence.
Les quatre coins de liaison des murs extérieurs et de la dalle de sol sont des points de ponts thermiques fréquents, il est donc bon de les surveiller s’ils se retrouvent sous un meuble.
L’inconfort durant les chaleurs d’été est un problème récurrent. Et, comme nous risquons d’avoir des étés de plus en plus chauds, il ne faut pas hésiter à renforcer l’isolation de la toiture, et mettre sa tiny à l’ombre durant les chaleurs.

Tiny qui roule n’amasse pas maousse
©Yvan-Saint-Jours

Les constructeurs en parlent

Parmi les 40 constructeurs officiellement référencés sur le site du Collectif Tiny House, une douzaine sont très actifs et en font leur cœur de métier. Le premier d’entre eux est l’entreprise La Tiny House, basée face au Mont Saint-Michel, en Normandie (je précise pour notre lectorat breton… sans vouloir jeter de l’huile sur le feu). Bruno Thiery, son co-fondateur, annonce que leur entreprise a construit 76 tiny à ce jour. Il pense qu’il doit exister environ 400 mini-maisons
en France. « Les tiny qui sortent de nos ateliers font en moyenne 6 m de longueur à l’intérieur, soit 13,2 m2 avec 2 mezzanines de 5 m2 chacune. C’est chez nous le grand modèle, nous n’avons jamais construit de plus petites tiny. Les personnes intéressées optent donc tout le temps pour le plus grand du tout petit, s’amuse-t-il. Et depuis que nous avons commencé la législation n’a pas bougé. Une tiny reste une structure qui est officiellement transportée par une remorque homologuée qui a sa propre carte grise. »
Laetitia Dupé, fondatrice de l’entreprise Baluchon, qui a déjà construit plus d’une vingtaine de tiny, confirme les propos de Bruno concernant la taille moyenne et ajoute : « Il n’y a pas de profils types d’habitants. Nous avons tous les âges, toutes les catégories socio-
professionnelles. Finalement, c’est presque M. et Mme 
Toutlemonde avec deux signes particuliers : militan-
tisme et envie de vivre avec moins ». Laetitia sait de quoi elle parle, puisqu’elle a autoconstruit sa première tiny en 2014. Elle y a d’abord vécu 2 ans à mi-temps, puis à plein temps depuis 2 ans. C’est aussi pour cela qu’elle a voulu que son entreprise propose des outils pour faciliter l’autoconstruction. « Les personnes viennent chercher leur remorque avec dessus ce qu’ils ont sélectionné dans notre catalogue pour construire tout ou partie de leur tiny ». La majeure partie des entreprises font du sur-mesure et il est aussi possible de commander une tiny « hors d’eau/hors d’air ». Dans ce dernier cas, il restera tout l’aménagement intérieur à réaliser.

Revoir son essentiel à la hausse

« Mais comment diable faire rentrer tous mes livres, habits, décorations, bibelots, trucs et machins divers dans une tiny ? ». « Ah ben, c’est tout simplement pas possible ! ».
Une tiny oblige à faire le tri dans ses affaires. C’est souvent une étape délicate, difficile, voire douloureuse pour certain·e·s. Mais incontournable, sauf à vouloir vivre dans un placard rempli d’objets ! Alors, une fois le tri fait, il ne reste normalement que l’essentiel. Et, une fois que l’essentiel a trouvé sa place, parfois au centimètre près, alors il ne reste plus de place pour de nouvelles choses. Terminés les achats compulsifs, les achats tout court ou les « tiens, ça pourrait bien me servir un jour », « Oooh, comme c’est joli ça ! On lui trouvera bien une place », « Regarde ce que j’ai ramené du vide-grenier »… Chaque nouvel objet qui entre doit voir un ancien partir.
La tiny est donc une très bonne étape pour se délester, s’alléger du poids du passé de certains objets que l’on traîne sans plus savoir pourquoi. Ça peut même devenir thérapeutique : la tinyrapeutique ! Être contraint de vivre avec peu, avec le meilleur, le plus beau, avec ce qui nous tient à cœur et pas le reste, voilà la promesse de la tiny.

Stationner sa tiny

Comme c’est un habitat mobile, la tiny n’a pas besoin de permis de construire. Encore inexistante aux yeux du législateur, elle est donc considérée comme une caravane. En France, sur un terrain privé, une caravane ne peut légalement pas rester stationnée plus de 3 mois hors abri. Dans les faits, on observe qu’un très grand nombre de caravanes sont stationnées « à demeure » sur des terrains privés sans que leurs propriétaires ne soient ennuyés. Une simple autorisation de la mairie suffit pour prolonger cette durée de 3 mois à 1 an et peut être renouvelée chaque année.
La tiny peut être raccordée à l’électricité à l’aide d’une rallonge, à l’eau par un tuyau (attention, les tuyaux d’arrosage donnent un goût désagréable) et aux systèmes d’assainissement collectif ou non-collectif par un autre tuyau. Elle peut également être parfaitement autonome. Concernant la gestion des eaux usées, il existe un système de filtration écologique qui ne nécessite ni terrassement, ni maçonnerie (filtre Biolan). Si votre eau ne contient strictement aucun produit issu de la chimie, la relarguer sans traitement n’aura aucune incidence… mais chhhut, ça il ne faut pas le dire parce qu’on n’a pas le droit.
 

Références

Pour tout savoir ou presque : www.collectif-tinyhouse.fr
Chaîne Youtube de Jonathan : Tiny house Livingston
www.latinyhouse.com
www.tinyhouse-baluchon.fr
Livre : Tiny house, le nid qui voyage, Yvan Saint-Jours, Bruno Thiery et Célia Robert, Éditions YpyPyp

Tinymérologie

•  400  Nombre de tiny estimé en France.
•  1999  La première tiny officielle de Jay Shafer aux États-Unis.
•  3 500  Nombre de kilos à ne pas dépasser pour pouvoir rouler avec le permis EB.
•  2,55 m  Largeur maximale pour ne pas être considéré comme un convoi exceptionnel en France.
•  4,10 m  Hauteur habituelle des tiny afin de pouvoir passer sous un grand nombre de ponts.
•  90 km/h  Vitesse maximale sur autoroute (il faut avoir le cœur bien accroché à cette vitesse).
•  91 m2  Surface moyenne d’un logement en France (Insee 2018).
•  13,2 m2  Surface moyenne d’une tiny au sol.
•  2,40 m  Largeur d’une remorque standard pour un poids de 650 kg. Cela offre une possibilité d’ajouter jusqu’à 2,85 tonnes de matériaux. C’est largement suffisant pour construire une petite maison en ossature bois, mais il faut rester vigilant et favoriser les matériaux les moins lourds. Et n’oubliez pas : le poids total doit aussi tenir compte de vos affaires ! Finies la collection d’altères et l’armoire normande de grand ma’.
•  630 kg/m3  Poids du pin douglas (essence privilégiée). Il faut environ 1 m3 pour réaliser l’ossature complète d’une tiny de 6 m de long.
•  8,5 kg/m2  Poids du bardage en douglas de 18 mm.
•  5,5 kg/m2  Poids d’un panneau d’OSB 3 en 9 mm ou d’un contreplaqué sapin en 12 mm.
•  2,5 kg/m2  Poids d’un panneau d’isolant écologique en 100 mm.
•  20 kg  Poids d’un rouleau de pare-pluie de 75 m2.
•    2,5 kg/m2  Poids du lambris.

Mais combien coûte une tiny ?

Sans rentrer dans les détails, il faut compter environ 5 000 € pour une remorque aux normes actuelles. De plus en plus de fabricants de remorques se lancent d’ailleurs sur ce nouveau mini-marché.
Pour une tiny intégralement auto-construite et avec un équipement sommaire, il est possible de rester en dessous de 15 000 € (remorque neuve incluse). Toutefois, notons qu’il est intéressant de se faire assister par un professionnel pour les points clefs : système d’attache à la remorque et montage de l’ossature. Car ce n’est pas une simple maison en bois, elle va aussi rouler !
Suivant la taille et l’équipement, une tiny hors d’eau/hors d’air coûte de 25 000 à 40 000 € et une clefs en main coûte de 40 000 à 75 000 €.

Quand tiny rime avec autonomie

Entretien avec Jonathan Benabed, concepteur de la tiny Livingston
 
Jonathan est réalisateur. Il y a quelques années, il décide de construire intégralement sa propre tiny. Il est également l’un des fondateurs du Collectif Tiny house, très présent sur la toile.
Après presque 3 années d’autoconstruction, durant lesquelles il a énormément partagé son expérience sur sa tiny nommée Livingston (clin d’œil au livre et au film Jonathan Livingston le goéland), Jonathan vit enfin son rêve et emménage dedans en septembre 2019. Ou plutôt, Jonathan et Yunaë, qui l’a rejoint entre-temps. Le couple se régale maintenant de cette vie simple. « Magique ! », c’est le premier mot qui vient à Jonathan lorsqu’il est interrogé sur la vie en tiny. « Je ne sais pas si c’est parce qu’on l’a entièrement construite, mais tous les matins nous faisons le même constat : nous sommes très bien dedans. Certes, c’est petit, mais nous avons l’essentiel pour notre bien-être et avec toutes ces fenêtres le regard se promène facilement dehors, jusqu’à l’horizon. On ne manque de rien. Si j’avais un vrai bureau ça serait top, mais quand j’ai commencé l’aventure j’étais seul (rires). » Jonathan et Yunaë n’ont qu’un seul petit regret, celui de ne pas avoir
de potager et de compost, le « luxe des sédentaires ». Le choix de Jonathan s’est directement porté sur une maison 100 % autonome : en électricité, en chauffage et en eau. « Une petite maison autonome nous met face à nos responsabilités quotidiennement. Allumer la lumière, utiliser de l’eau… chaque geste nous pousse à être à attentif aux stocks dont nous disposons. Tous les matins, nous regardons d’abord la météo pour voir ce à quoi nous attendre : soleil = électricité, pluie = eau ! Ce sont des questions que l’on ne se pose que très peu lorsque l’on est connecté aux réseaux et, a fortiori, sédentaire. Ça devient très vite une habitude facile à gérer. »
Ce printemps, le couple commence une nouvelle aventure avec une web série nomade à retrouver sur leur chaîne et peut-être à la télé (pour ceux qui ont encore cet objet chez eux). Ils partent à la rencontre des initiatives qui vont dans le sens de l’écologie et du social. Après un séjour proche de Paris en juin, Livingston et ses habitants iront en Normandie, en Bretagne, puis longeront l’océan pour passer l’hiver dans la péninsule ibérique… une migration qui n’a rien à voir avec les goélands !

Tiny qui roule n’amasse pas maousse
© Jonathan Benabed - Tiny Livingston

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