Reportage, Entraide

Haut perchés : A69, ce que ce projet d’autoroute vient mettre en branle

Protestations

Depuis plusieurs semaines à Saïx, dans le Tarn, des militant·e·s -aussi appelé·e·s écureuils- sont perché·e·s en haut des arbres.

Juste à côté de la voix ferrée, ce qui fut jadis une forêt commence à ressembler davantage à un no man’s land, et devant ces quelques arbres encore debout, une armée de gendarmes et de CRS.

Mais que se passe-t-il ?

C’est bien simple, cette parcelle, la Crem’Arbre, figure sur le tracé du projet d’autoroute controversé de l’A69, censé relier Castres à Toulouse. Cependant, elle a été classé à « enjeu écologique fort » compte tenu de sa richesse en terme d’écosystème.

Cela implique que toute opération de défrichement doit avoir lieu uniquement entre le 1er septembre et le 15 novembre, c’est la loi qui le stipule (1).

Etant au printemps, il est donc illégal d’abattre ces arbres, pluricentenaires pour certains ; mais cela n’est pas au goût des concessionnaires. D’ailleurs, ce projet implique beaucoup d’argent et de soutien de l’état, or il existe des liens troubles entre le président et les actionnaires d’Atosca (principaux acteurs de l’A69) dont certains auraient participé au financement de la campagne de Macron. (2)

La mise en service est prévue pour 2025… il « faut » donc que ça aille vite, quitte à faire sans autorisation, le tout pour un « gain » de temps et un prix très contestés.

Résultat : les écureuils protestent et, en représailles, se voient privé.e.s d’approvisionnement en eau et en nourriture depuis le 15 février (un seul leur est parvenu grâce à des avocates, et ce malgré de nombreuses tentatives, nous informe une source sur le terrain). Et c’est sans compter les bruits et les lumières pour les empêcher de dormir, les insultes, les menaces, les abus de pouvoir, les mises en danger… tout ça dans un climat tendu à souhait. Les moyens employés afin de déloger les protestataires ainsi que les répressions au sol violent des droits humains fondamentaux et ces violences policières continuent à l’heure qu’il est. Fin février, Michel Frost est venu faire un rapport pour l’ONU qui s’est avéré alarmant (3).

Nous parlons là d’une véritable barrière humaine : des dizaines et des dizaines d’humain.e.s en uniforme qui se dressent entre les écureuils et les personnes présentes au sol qui les soutiennent.

En effet, une ZAD (zone à défendre) s’est créée à l’automne dernier et s’est vue transformée à plusieurs reprises suite à des destructions brutales. Néanmoins elle résiste et est encore bien présente, habitée par des gens de tous horizons venus soutenir la lutte.

Vers un autre horizon

À quoi bon ? Un si gros projet avec autant d’argent en jeu, n’est-ce pas vain d’essayer de lutter, naïf d’y croire encore ?

J’en ai parlé avec une personne proche du mouvement qui s’est rendue plusieurs fois sur le lieu et me partage son point de vue :

« L’important, c’est l’éveil des consciences et aussi d’envoyer un message aux actionnaires, qu’ils comprennent que construire une autoroute comme celle-là, ça n’implique pas seulement de faire des travaux mais aussi de se heurter à une vague de résistance. » Des milliers de voix qui s’unissent pour dire non.

La ZAD, c’est un espace de soutien mais aussi un idéal de vie mis en avant, c’est une plateforme incroyable d’échange de savoirs, d’autogestion, de savoir vivre, c’est la création d’un système de société différent.

« Il s’agit de co-créer, apprendre à faire des cabanes ensemble, femmes et hommes, à partir de rien. C’est aller vers un mode de vie plus décroissant.

Ça nous montre surtout qu’il est possible de faire autrement en diffusant des valeurs nouvelles et des compétences.

Tu ne sais pas faire ? On t’apprend ! C’est quelque chose de déjà gagné dans cette lutte. »

Au delà de l’objectif final existe tout un processus empreint de solidarité : c’est l’entraide en action, au quotidien.

Mise à jour

Depuis l’écriture des premières lignes de cet article, l’OFB (Office Français de la Biodiversité) a confirmé l’enjeu environnemental fort de la parcelle de la Crem’Arbre (4) et donc l’abattage des arbres jusqu’au 1er septembre. Le processus a été accéléré grâce aux preuves de nidification d’une mésange bleue, espèce protégée ! 
En parallèle, à quelques kilomètres s’est montée « la Cal’Arbre », une autre zone à défendre.

En effet la lutte continue, car si la reconnaissance de l’illégalité de l’abattage des arbres de la Crem’Arbre est symbolique, d’une part cela n’est pas forcément respecté et de l’autre cela reste éphémère : c’est le projet dans son ensemble qui est problématique et ne cesse de gagner du terrain.

Que faire ?

Comment s’impliquer ?

Les moyens d’agir sont très diversifiés. « Il est important d’arrêter de critiquer les moyens d’action des autres car ils sont complémentaires ».

Bien sûr il est possible de venir sur place prêter main forte. Et même là, pleins de rôles sont possible. Allant de la construction de cabane à la cuisine, du soutien aux écureuils à la réorganisation du free shop (espace où chacun·e peut déposer et prendre des vêtements/objets librement), de la gestion de la vie quotidienne à la proposition d’ateliers (tel que l’écoute active par exemple), il y en a pour tous les goûts. Chacun·e choisit comment elle-il souhaite s’investir, chacun·e apporte ses couleurs, l’important étant qu’il y ait du monde qui s’unisse autour de ce qui fait sens.

Pas forcément besoin d’être aux premiers rangs et de se confronter aux lacrymos, contrairement à l’image pouvant être véhiculée d’une ZAD.

Bienvenu·e pour une heure, une journée, une semaine, un mois !

Et même sans être sur place, il est possible de participer. Les collectes notamment sont fort précieuses : récolter et acheminer du matériel, de la nourriture, de l’argent. Il y a donc besoin de personnes pour les organiser ainsi que de personnes qui font des donations.

Un autre bras de levier est celui de la diffusion : communiquer, partager, faire circuler les informations (sourcées) sur les réseaux et autour de soi afin que cette affaire gagne en visibilité.

À nous de jouer !

Lien vers la cagnotte de soutien :

Sources -et pour aller plus loin :

Reporterre a publié de nombreux articles documentés sur le sujet :

https://reporterre.net/recherche

Notamment

-Une enquête quant aux promesses d’une autoroute à « faible impact écologique »

https://reporterre.net/L-A69-une-autoroute-ecolo-On-a-verifie

-Un entretien pour mieux comprendre les enjeux juridiques : (1)

https://reporterre.net/A69-C-est-la-strategie-du-passage-en-force

-Une rétrospective sur les deux semaines de siège : (3)

https://reporterre.net/Zad-contre-l-A69-recit-de-15-jours-de-siege-policier

-L’OFB qui confirme l’illégalité de la coupe des arbres : (4)

https://reporterre.net/A69-L-abattage-des-arbres-suspendu-les-opposants-peuvent-redescendre

Blast a publié une vidéo détaillée : (1)

https://www.youtube.com/watch?v=E1Yn7k4mlBQ

• La chaîne Partager c’est sympa également :

https://www.youtube.com/watch?v=Dxr-G6rkpvU

https://www.youtube.com/watch?v=Foy1LaLEQ9s

Off investigation décrypte les liens entre Macron et Atosca : (2)

https://www.youtube.com/watch?v=sbRLEu0e2K0

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