Article paru dans Yggdrasil n°4 – avril 2020
Illustrations Marie Doucedame
La Ferme du Bec Hellouin - Perrine et Charles Hervé-Gruyer
La Ferme du Bec Hellouin, située en Normandie et tenue par le couple Perrine et Charles Hervé-Gruyer, est un lieu exceptionnel. Depuis 2004, elle expérimente de nouvelles formes d’agriculture, en s’inspirant de la permaculture et de la micro-agriculture biointensive : tout à la main, sans machines, une densité de plantation extrême, un foisonnement de diversité, des sols qui revivent, etc.
Résultat : non seulement la qualité et la quantité de fruits et légumes sont au rendez-vous, mais elles sont accompagnées, comme le montrent des études scientifiques, d’une bonne rentabilité économique et d’une incroyable régénération des écosystèmes.
En outre, la Ferme n’est pas qu’une expérience maraîchère, elle comporte trois autres piliers : les programmes de recherche, les formations et l’essaimage. L’expérience de Perrine et Charles – inventeurs de concepts, concepteurs de nouveaux outils, écrivains, formateurs – rayonne dans le monde entier, inspire les maraîchers, stimule les institutions politiques et scientifiques, et fait rêver le public.
Leur facilité à sortir du cadre provient de leur vie d’avant : Perrine était juriste, Charles était marin. Et, comme disait Mark Twain, ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. Grâce à un travail et à une ténacité hors du commun, ils sont parvenus à bouleverser les dogmes agronomiques, à rassembler un grand réseau de chercheurs et de mécènes (à susciter également des critiques parfois aussi virulentes qu’absurdes) et surtout à dessiner un horizon d’avenir possible et désirable… pour les catastrophes qui s’annoncent.
Nous avons connu Perrine et Charles il y a une petite dizaine d’années. Nous sommes passés plusieurs fois par la Ferme, en tant que stagiaires, membres du conseil scientifique des études INRA/AgroParisTech et tout simplement en visite amicale. Avec cet entretien, nous souhaitions célébrer leur nouveau livre – le très impressionnant Vivre avec la Terre –, voir comment ils allaient, et surtout parler d’effondrement. En effet, les médias donnent trop souvent une image très positive de la ferme… ce qui cache la lucidité et la conscience de nos deux amis.
Nous nous sommes vus en juillet 2019. Il faisait 42,7 °C…
Yggdrasil • Bonjour, Perrine et Charles ! Merci de nous recevoir chez vous. Votre ferme est connue et reconnue dans le monde entier. Ce que vous avez fait est beau, fournit des produits en abondance et en qualité, votre méthode a été encadrée et validée par des études scientifiques, vous faites des solides formations, vous publiez des livres magnifiques… Et, en plus de tout ce travail, vous avez des enfants et vous répondez aux interviews ! Mais vous vous levez à quelle heure ?
Perrine • En ce moment ? Vers 5 h [rires]. Oui, on travaille énormément, c’est toute notre vie. C’est d’ailleurs parfois un problème. Mais cette vie, on la gère assez librement, et c’est confortable quand on est passionné.
Y • Par rapport à cette débauche d’énergie, du matin au soir, depuis 15 ans, quel est votre moteur ? Et est-ce qu’il a changé ?
P • Au début, c’était la préservation de l’environnement, ce lien intime et charnel avec la nature. Depuis peu, l’effondrement est venu paradoxalement apporter un nouvel élan. C’est une thématique très présente en nous, dans nos décisions et dans nos pratiques… même si le thème de l’énergie nous habite depuis longtemps. On est de plus en plus obsédés par ça ! Moi, je suis peut-être plus cool que Charles [rires]. L’avenir de la ferme est branché là-dessus. Par exemple, au niveau personnel, on voulait lever le pied et penser à la transmission… dans le cadre d’un effondrement et pas dans un cadre commercial !
Yggdrasil • Bonjour, Perrine et Charles ! Merci de nous recevoir chez vous. Votre ferme est connue et reconnue dans le monde entier. Ce que vous avez fait est beau, fournit des produits en abondance et en qualité, votre méthode a été encadrée et validée par des études scientifiques, vous faites des solides formations, vous publiez des livres magnifiques… Et, en plus de tout ce travail, vous avez des enfants et vous répondez aux interviews ! Mais vous vous levez à quelle heure ?
Perrine • En ce moment ? Vers 5 h [rires]. Oui, on travaille énormément, c’est toute notre vie. C’est d’ailleurs parfois un problème. Mais cette vie, on la gère assez librement, et c’est confortable quand on est passionné.
Y • Est-ce que ça veut dire que vous travaillez dans la peur ? On a l’impression qu’il y a de l’amour ici !
P • Moi, non. Je n’ai pas peur.
Charles • Oui, il y a l’amour de ce qu’on fait. Notre passion pour l’agriculture ne cesse de grandir d’année en année. On peut progresser jusqu’à son dernier jour, c’est fascinant. Mais c’est vrai que nos centres d’intérêts évoluent. Par exemple, remplir des camionnettes de légumes, à un moment… forcément, la motivation baisse. On a besoin de beaucoup de stimulation intellectuelle, on est des touche-à-tout. Ce qui nous permet de tenir, c’est d’ouvrir constamment de nouveaux chantiers. Il y a tellement de champs à explorer ! Parfois, on se demande si ce n’est pas une fuite en avant… Mais on voit les fruits de ce qu’on a semé !
C’est vrai que la prise de conscience d’un possible effondrement est un grand aiguillon, avec une part d’anxiété profonde pour nos enfants, pour les vôtres, pour les générations à venir. Mais ça ne nous « bouffe » pas. Je me dis que si on arrive à déconnecter la ferme des réseaux (électriques, etc.), d’autres se diront : « Ah, c’est possible, je peux le faire ! » En ce moment, par exemple, on ouvre un chantier sur les céréales jardinées [denses, à la main et à petite échelle, ndlr], c’est un sujet sur lequel personne ne travaille ! Si on a les moyens financiers et humains de se lancer là-dedans, il faut le faire, car les premiers résultats tangibles n’arriveront que dans 10 ans. Il faut commencer tout de suite !
Y • Si je comprends bien, la peur n’est pas vraiment votre moteur, mais c’est comme si la question de l’effondrement donnait un nouveau sens, non ?
P • Ma motivation première, au début, c’était l’alimentation, la bonne santé et la préservation de l’environnement. Mais, en fin de compte, j’aimerais que ça pète une bonne fois et qu’on reparte sur des bonnes bases. Toutefois, je ne veux pas du collapse violent, ni pour nos enfants ni pour les gens, évidemment. C’est très compliqué… Il y a tellement de gens qui vont le prendre en pleine face, ça risque d’être très violent ! Quand on voit le degré d’impréparation d’une grande majorité de la société… Ici, on arrive à aimanter, à drainer tout un ensemble de personnes qui sont dans le même type de pensée. On a l’impression, dans notre petit microcosme, que ça bouge, que c’est génial et qu’on va réussir à faire quelque chose. Mais quand tu sors… Très vite, tu te rends compte que ce n’est pas évident pour tout le monde ! Et même, pour ceux qui en ont pris conscience, au quotidien, ce n’est pas si facile. Ça oscille entre « j’arrête tout » ou « tant pis c’est foutu, je continue à prendre ma bagnole »…
Y • Avez-vous senti, depuis plus de 10 ans, un changement dans les raisons qu’ont les gens de venir faire des formations chez vous ?
C • Oui, tout à fait, on a vu une évolution. Au début, on avait des gens très peu informés sur la permaculture et sur toutes ces choses. Aujourd’hui, quand ils arrivent, ils ont lu plein de bouquins, ils ont regardé des dizaines de vidéos. Donc ils arrivent avec une exigence supérieure. C’est intéressant, parce que ça nous a poussés à approfondir les programmes, et ça permet de passer plus vite sur les notions de base.
Il y a eu aussi un tournant lorsqu’on a reçu à deux reprises, il y a sept ou huit ans, des hauts responsables de l’OTAN. Ils sont venus se former et nous ont dit que leur job était d’étudier les risques du monde de demain et les stratégies militaires pour contenir ces risques. Ils nous disaient que les armes de 2020 étaient prêtes et que les risques qu’ils identifiaient à l’horizon 2025 étaient les tensions autour de l’énergie et de l’alimentation. Ils venaient à plusieurs, mais à titre personnel, pour apprendre à nourrir leur famille… C’était la première fois qu’on entendait parler d’effondrement, et pas pour 2075, mais à plus courte échéance ! Ça a été un premier électrochoc.
Et puis, en 2010, il y a eu Agnès Sinaï. Elle est souvent venue ici pour se former, et elle a eu une grande influence. Elle nous a éveillés à la question du « post-pétrole », tout comme Yves Cochet. On parlait beaucoup de « Peak Oil » et d’un effondrement lié à une pénurie d’énergie. Étant conscients de notre dépendance au pétrole, on a été très tôt déterminés à réaliser une agriculture sans pétrole. On se disait qu’on était prêts à galérer pendant 10 ans, que ça prendrait du temps, mais que, dans 15 ans, les gens seraient contents que deux petits clampins en Normandie aient développé des alternatives… Et finalement, la bonne surprise, c’est que ça a marché bien plus vite que prévu !
Ensuite, il y a eu votre bouquin, Comment tout peut s’effondrer. Alors se sont ajoutées toutes les causes de vulnérabilité. Vous avez été les premiers à relier tous ces éléments, et ça a créé une grosse prise de conscience. Et maintenant, on voit que les stagiaires parlent de plus en plus de collapse, depuis deux ou trois ans. On constate une évolution rapide.
C’est une thématique que j’ai beaucoup plus introduite dans les formations. Avant, je parlais des risques écologiques, de l’empreinte, d’habiter la planète dans la durée, d’inventer des nouvelles solutions, etc. Maintenant, je dis qu’une microferme a aussi pour vocation d’être une bouée de sauvetage en cas d’effondrement. Je vois que, dans des groupes de 50 stagiaires, beaucoup acquiescent de la tête et sont très au fait. Il y a toujours quelques personnes qui se prennent ça en pleine poire parce qu’elles ne connaissaient pas la thématique, comme récemment une personne de la FAO. Mais on prend soin d’eux… [rires]
Y • C’est très présent dans vos livres aussi…
C • Oui !
P • C’est en filigrane partout. Vivre avec la Terre est en quelque sorte un manuel en cas de collapse.
C • Et pas que pour la France ou l’Europe, c’est aussi destiné aux pays du Sud, qui morflent beaucoup plus que nous.
Y • Et sur le climat, est-ce que vous sentez des avantages, en termes de résilience, à votre mode de culture et d’organisation ? Aujourd’hui, on fait l’interview à presque 43 °C, un record absolu pour la Normandie, c’est tout un symbole !
C • On peut avoir du climat une lecture permaculturelle, à partir de ce qu’on observe à la ferme, et c’est aussi une lecture scientifique. Ici, on a beaucoup complexifié : il y a beaucoup d’arbres, de petits biotopes, 25 mares, une rivière, un étang, trois forêts-jardins, beaucoup de biomasse et de matière organique, etc. Ce que l’on observe, c’est que lorsqu’il y a des extrêmes, on souffre, mais clairement moins que les autres, parce que tous ces éléments forment un microclimat. L’eau reste plus présente dans la matière organique en cas de sécheresse, les arbres nous protègent en cas de tempête, le gel pénètre moins dans le sol, etc. On morfle, mais moins. C’est ce que décrivent les écologues : plus la biodiversité est grande, moins on accuse le coup.
Je crois qu’on vient d’avoir les cinq années les plus chaudes. J’écrivais dans le manuel il y a trois ou quatre ans que, dans nos pays, on ne sentait pas encore physiquement le réchauffement climatique. Mais là, c’est la première année où on le sent vraiment. C’est une grande source d’anxiété pour moi, car je ne pensais pas que ça viendrait si vite et si fort. Qu’on fasse cette interview pour Yggdrasil le jour le plus chaud qu’on ait jamais vécu en Normandie, je prends ça comme un signe ! Je suis normand d’origine, j’ai 61 ans, et je n’ai jamais connu ça de toute ma vie ! Et on n’est qu’en 2019… En Normandie ! Dans un fond de vallée réputé humide et frais, avec beaucoup d’arbres plantés ! Qu’est-ce que ça sera en 2050, en 2100 ? Qu’est-ce que ça va donner au sud de la France ? Au sud de l’Espagne ? Au Burkina Faso et au Niger ? D’ailleurs, qu’est-ce que ça donne déjà ? À mon humble avis, les changements s’annoncent plus forts que prévus. Ça me donne un sentiment d’urgence, et je le revendique, parce que c’est pour les enfants du monde qu’on se bat.
Y • Tu l’as mentionné plusieurs fois à d’autres occasions, Charles : si ça s’effondre de façon brutale, les gens vont avoir faim et ils vont chercher à manger, or tu dis que vous n’êtes pas forcément les mieux placés, parce que tout le monde sait où vous êtes…
P • Oui, tout le monde nous dit ça ! Tous les gens qui viennent de l’extérieur nous disent qu’on va se faire piller. Je n’avais pas conscience de cela, au début. Moi, je parlais de collapse assez naïvement… Et les gens me disent qu’on ne discute pas avec quelqu’un qui vient avec une kalachnikov.
C • Je voudrais juste revenir un peu en arrière. Pendant les 22 années de navigation autour du monde que j’ai vécues, on a côtoyé beaucoup de pays et de grands témoins, comme Théodore Monod, Hubert Reeves, René Dumont, le commandant Cousteau… Tout ça m’a profondément marqué, on était aux premières loges pour voir la dégradation de la planète. On le constatait en revenant sur les mêmes rivages d’année en année. J’ai été marqué par la mort des coraux et très frappé par la montée des océans ! J’ai créé la ferme à la fois avec mon imaginaire peuplé de nature intacte et révolté, terrorisé devant ce saccage accéléré.
Le volet humain m’inquiète de plus en plus parce que je pense à tous ces habitants du tiers-monde. Ces gens qui ont un niveau de vie modeste et traditionnel subissent toutes les pollutions des nouveaux pays industrialisés et toute la montée des eaux causée par nos pays riches. Je vois l’injustice des pays du Sud, ils payent pour nos conneries à nous ! L’ONU annonce un milliard de réfugiés entre maintenant et 2050, avec une montée des eaux qui envahirait les terres les plus fertiles… Et ici, si on va vers un scénario catastrophe, des villes comme Rouen, Toulouse ou Paris ne pourront plus se nourrir sans pétrole, donc les citadins vont retourner dans les campagnes. Et si les réfugiés du Sud arrivent là-dessus ? Mais ça laisse entrevoir quoi ? Des barbelés en Méditerranée, avec des miradors ?
Alors, peut-être qu’on se fera tuer au Bec Hellouin et qu’on se fera piller, mais ce que je vous décris, c’est le pire des scénarios, une violence aveugle. Parce que, si tu as faim et que tu vois tes gosses mourir, je trouve qu’il est légitime de piller le voisin, s’il a encore un peu. Le vol, même le christianisme le dit, est légitime dans certains cas.
Mais je n’ai pas que ce scénario dans mon imaginaire ! Seulement, j’ai toujours gardé mes habitudes de marin. Quand tu pars pour un long périple, tu te prépares toujours pour le pire scénario, la tempête cataclysmique, l’ouragan de force 12. Quand je préparais mon bateau, avec tous les enfants qu’on emmenait, on se préparait pour le pire, et c’est ce qui est recommandé. Au cas où le bateau coulerait, on se préparait aussi à couler. Donc on avait des containers étanches, reliés aux radeaux de sauvetage, etc. Et, du coup, on a navigué pendant 22 ans sans jamais avoir eu d’accident ! J’ai gardé cette mentalité. Plutôt que de faire l’autruche, il est plus constructif de se préparer au pire. Si tu te prépares au pire, tu augmentes tes chances de l’éviter.
On n’est pas à l’abri d’un choc pétrolier très brutal, et les villes comme Paris ont trois jours de résilience : il n’est pas impossible que dans les années qui viennent les citadins vivent de grandes exodes dans l’urgence. C’est pour ça qu’on se prépare à nourrir un maximum de personnes pour les temps de crise.
Y • Ce qui est remarquable au Bec Hellouin, c’est que vous vous préparez dans le concret, pour vous et pour les autres, et aussi en inventant de nouveaux concepts, comme le métier de sylvanier, la microferme, etc. D’ailleurs, à propos des microfermes, est-ce que ça démarre, est-ce qu’il y a encore beaucoup de verrous à leur développement ?
C • Il y a beaucoup de verrous, mais oui, ça démarre. Quand on a commencé les formations, c’était un pari, et il n’y avait pas de reconnaissance de ce concept. On n’aurait pas pu imaginer l’émergence d’autant de projets. Il y a plusieurs motivations : la première, c’est le ras-le-bol. Les gens en ont marre de leur vie urbaine, la consommation, leur boulot, la routine, etc. Ils sont en quête de sens. On voit aujourd’hui beaucoup de gens arriver avec ce sentiment, mais sans idées claires. La deuxième, c’est qu’on voit aussi beaucoup de gens arriver avec des vrais projets déjà pensés. Sur un groupe de 55 personnes, par exemple, 35 ont déjà des idées claires, le foncier, les moyens, les idées, la motivation etc. Il y a une accélération énorme !
P • Les verrous sont nombreux, administratifs, financiers, juridiques…
Y • Politiques ?
P • Non, pas vraiment politiques, parce qu’on peut faire sans. Il faut arrêter avec le sacro-saint politique. On ne peut plus se permettre d’attendre les décisions. Il est déjà tard. Si mon mandat politique à la Région m’a appris quelque chose, c’est bien ça. C’est vrai que ça peut aider : si, par exemple, une décision européenne améliore la Politique Agricole Commune, ça risque d’accélérer le mouvement des microfermes, mais il ne faut pas l’attendre, sinon on n’y arrivera pas. Le politique n’est pas le donneur d’ordres, il arrive toujours après, en réaction. Et donc, pour la préparation au collapse, sur un mouvement des microfermes, inexorablement, il faut faire entre nous. Un réseau d’entraide est fondamental. D’ailleurs, on incite beaucoup les stagiaires à rester connectés entre eux, car ils ont les mêmes soucis. S’ils apprennent à bosser ensemble dès maintenant, tout sera plus facile.
Je suis entré dans les jardins, c’était un tel choc énergétique que j’ai mis deux jours à m’en remettre.
Un visiteur
Y • Joanna Macy dit qu’il y a trois piliers à la transition : la création d’alternatives (vous êtes en plein dedans), le changement de conscience (vous êtes en plein dedans) et aussi les luttes de résistance, la défense de la vie. Vous vous placez comment par rapport aux luttes ?
C • C’est difficile d’être sur tous les fronts, on est déjà saturés. Personnellement, je ne me sens pas un militant « contre », ce n’est pas mon truc. Je préfère créer des nouvelles choses et créer des ponts. Ça nous met dans une posture où on dialogue avec beaucoup de gens, sans tabous : des grandes entreprises, des politiques, des collectivités territoriales, des fonds d’investissement, des banques. Je me dis qu’il y a des êtres humains partout, pourquoi se sentir différents ? J’ai l’impression que je serais plus utile en dialoguant avec des grands acteurs de l’agriculture conventionnelle qui s’interrogent plutot qu’en me barricadant et en accusant les autres d’être des pourris et des collabos. C’est ma sensibilité, je préfère échanger. Et j’apprends aussi de ces gens-là, c’est toujours intéressant d’avoir d’autres visions du monde.
Y • Mais si une entreprise du CAC 40 vient ici pour coopérer avec vous ? Dans la désobéissance civile non-violente, il y a quand même le principe de non-coopération avec l’oppresseur…
C • On est tout à fait prêts à participer à des actions non-violentes. J’ai beaucoup lu Gandhi, Lanza Del Vasto, etc. Par exemple, au niveau des graines, on n’a jamais respecté les interdictions de commercialiser tel ou tel type de graine au motif qu’elles ne sont pas inscrites au catalogue officiel…
P • Et on le dit haut et fort !
C • On milite par exemple avec ce collectif mené par notre amie, l’avocate Blanche Magarinos-Rey. On a écrit avec elle à tous les sénateurs, à tous les députés, avec d’autres signataires, comme la Ferme de Sainte-Marthe, Kokopelli, etc. On a aussi d’autres engagements ponctuels. Mais notre vocation n’est pas d’aller battre le pavé, ce n’est pas notre âme. Et toute l’énergie qu’on a, on la donne ici ou à d’autres, des porteurs de projets, par exemple, pour qu’ils arrivent à s’installer, etc.
P • À l’époque, en me laissant approcher par EÉLV à la région, j’ai pensé que je pouvais changer les choses. C’était du militantisme, ça a duré six ans, et je me suis rendu compte que ce n’est pas ma façon de lutter : c’est un milieu trop anxiogène et trop violent, pas aussi productif que j’aimerais qu’il soit. Notre militantisme, en fait, il est dans ce qu’on fait au quotidien.
C • Et quand de grandes entreprises ou des politiques viennent nous voir, on ne cache pas nos opinions. On s’exprime franchement, avec respect, mais on dialogue. L’autre jour, j’ai fait une conférence devant l’un des plus grands fonds d’investissements mondiaux. Moi, le petit maraîcher bio, qui suis timide de nature, je n’en menais pas large dans cette immense salle remplie de costards-cravates sombres. Je n’étais pas du tout sûr de moi, je ne savais pas quel ton employer. J’ai choisi d’être sincère, de témoigner. De leur parler en tant que père de famille. Je leur ai dit : « Si vous continuez à investir dans les énergies fossiles, vos enfants vous maudiront. Et si vous investissez dans les énergies renouvelables, vos enfants vous béniront. » Je n’avais pas prévu de dire, ça, c’est sorti avec sincérité. Et j’ai parlé du collapse, de la nécessité de changer de cap. J’ai eu beaucoup de bons retours de cette conférence. Je ne sais pas si ça a eu un impact, mais si j’avais refusé l’invitation en disant que c’étaient des gros pourris, je pense que ç’aurait été moins constructif.
P • On a toujours fait comme ça. Parfois, on refuse, ce n’est pas adapté, on n’est pas en phase. Mais, avec d’autres personnes, quand on sent qu’on peut y aller, on y va. Tu peux faire changer les gens de l’intérieur, par des actions comme ça.
C • Il y a un truc qui m’a surpris dans ma vie, pour prolonger ce que dit Perrine. Quand on réfléchit à ce qu’était Fleur de Lampaul, notre tour du monde en bateau, c’était un truc de fou ! On emmenait des jeunes ados courir les mers, partager la vie de « sauvages » habillés d’un minuscule cache-sexe, on allait tirer à l’arc dans une pirogue au lieu de les mettre à l’école obligatoire. Et, à ma grande stupéfaction, comme on cherchait à le faire sérieusement et à en faire profiter les autres, on a été parrainés par sept ministères ! On a eu la bénédiction de l’Éducation Nationale, qui nous a même détaché un enseignant pendant cinq ans ! Il y a eu une véritable acceptation par les institutions de ce projet fou, et ça a duré 22 ans. Avec la ferme, on s’est mis à faire une agriculture totalement décalée, très impertinente, parce qu’on dit qu’il faut faire petit et sans machinisme, etc. Et, en plus, on s’inspire des pays du Sud ! Et malgré ça, on a été stupéfaits du bon accueil du monde agricole.
Y • Il n’y a pas eu de critiques ?
C • Si ! Mais, il y a deux ans, les ministères et les institutions du bio nous disaient que 80 % des créations de fermes maraîchères en France se revendiquaient maintenant de ce modèle de microferme permaculturelle. On peut être décalé par rapport aux valeurs dominantes, les refuser, proposer une alternative, et en même temps rester audibles par nos institutions. Ma double expérience de marin éducateur, puis de paysan, me permet d’entrevoir, après 40 ans de pratique, qu’à partir du moment où on propose des alternatives, dans le respect d’autrui, et qu’elles ont sincèrement pour objectif de servir l’intérêt général, il y a une capacité d’écoute de nos institutions qui est plus grande que ce que l’on croit.
P • Socialement, aussi, on est à un moment où on peut être entendus. Quand on a commencé, on était, admettons-le, un peu barrés, un peu loufoques. Ce qui séduisait beaucoup, c’était notre parcours personnel. Aujourd’hui, ça a changé. Depuis quatre ou cinq ans, c’est le sens donné aux petites installations vivrières et aux microfermes qui prend de l’importance. Il y a deux ans, avec Gauthier, on est allés au Ministère de l’Environnement et, après notre exposé, ils nous ont dit : « Bon, administrativement, vous avez besoin de quoi ? » Ils veulent vraiment que ça marche !
Y • Vous êtes dans le concret, mais avez fait un travail conceptuel et théorique important, il ne faut pas le nier. Vous avez la pratique et la théorie, vous êtes dans le ET. Il y a du scientifique béton ET du spirituel, car vous revoyez votre rapport au monde. Il y a de l’innovation ET de la transmission. Vous ne choisissez pas, vous prenez les deux, c’est ça qui est fort.
P • Il y a un engagement charnel, physique, sensoriel. Je pense que l’engagement du corps dans toute cette histoire n’est pas anodin. Dans notre société, il n’est pas bien appréhendé. Tu peux être hyper spirituel et méditer tous les matins, je ne sais pas si tu peux engrammer physiquement les réactions de la nature. Aujourd’hui, quand on descend dans les jardins – je vérifie cette histoire des 10 000 heures nécessaires pour qu’un cerveau s’imprègne – en une seconde, on sait, on voit, on comprend ce qui se passe, les végétaux, etc. Et quand je vois les stagiaires qui arrivent, ils ne sont pas encore entrés dans cette vision, parce qu’ils n’ont que les yeux, ils n’ont pas encore tous les sens en éveil. La planète, pourquoi on ne la protège pas, aujourd’hui ? Parce qu’on ne la vit pas avec nos sens ! On la vit intellectuellement, on a toutes les données sur le climat, etc., mais charnellement, on l’a perdue. Nos ancêtres l’avaient fortement en eux, et c’est ça qui m’entraîne encore, c’est très dynamique, c’est un truc qui vient de loin. Les visiteurs le disent avec leurs mots, ils repartent avec la beauté dans les yeux, en disant : « C’est un paradis », etc. Quand ils sortent de là, ils ne sont plus pareils.
C • Un jour, quelqu’un m’a dit : « Je suis entré dans les jardins, c’était un tel choc énergétique que j’ai mis deux jours à m’en remettre. » On voit que l’impact sur les visiteurs se renforce, c’est un choc esthétique et énergétique profond de reliance à la nature. J’aime bien la phrase de Bill Mollison et David Holmgren, les fondateurs de la permaculture, dans l’un de leurs premiers livres. Ils disaient : « Vous allez dire qu’on cherche à recréer le jardin d’Eden ? Et why not ? » Nous, on l’assume totalement ! Toute ma vie, c’est ça que j’ai recherché : une sorte d’osmose profonde avec la nature. Quand j’allais nager avec les baleines, c’était ça que je recherchais. Et ce n’est pas qu’un rapport d’empathie avec la nature, il y a tout le volet humain, c’est une quête d’empathie avec nos frères et sœurs humains. Même si une formation propose une thématique strictement agricole, comme le maraîchage bio, les gens se sentent bouleversés par cette ambiance particulière. À la fin des formations, beaucoup de gens pleurent, et pourtant ce n’était pas un stage de développement personnel ! Je crois qu’on a tous besoin de ça…
Plutôt que de faire l’autruche, il est plus constructif de se préparer au pire.
Y • C’est en ça que je parlais de spirituel : c’est une quête de sens, de reliance, d’harmonie, d’émotions, etc.
C • Oui, c’est ça. Bon, moi, j’ai ma voie spirituelle personnelle, et ça, c’est mon jardin secret. Mais dans les visites de groupe, souvent je conclus en disant qu’il y a une dimension spirituelle parce qu’on cherche à prendre soin du vivant, à aller dans le sens de la vie, à cultiver nos plantes avec amour. On cherche la beauté, on cherche à se relier. Et ce sont juste les fondements de toutes les spiritualités. Il y a la technique agricole, mais il y a d’autres dimensions aussi.
Y • J’aimerais que vous présentiez en quelques mots l’arbre et le métier de sylvanier, c’est fondamental.
C • Quand on a découvert le concept de Food forest ou Edible forest, ça nous a parlé, ça a été un choc. C’était vraiment plus vertueux que les cultures de plantes annuelles, sur le plan écologique. On voyait tous les intérêts : il n’y a pas d’intrants, pas de travail du sol, pas d’arrosage, c’est un puits de carbone, un abri pour la biodiversité, etc. Et on a réfléchi aux intérêts économiques aussi, parce que produire des légumes, c’est vraiment galère, il faut y être sept jours sur sept, ça demande beaucoup d’attentions. Alors que les fruits, les plantes aromatiques, ça pousse tous seul, avec une haute valeur économique. On a donc cherché un nouveau truc, une sorte de forêt-jardin axée sur la performance économique, quelque chose de plus léger à gérer qu’un jardin maraîcher. On a conçu un hybride entre la forêt-jardin classique et la micro-agriculture biointensive, une mini forêt-jardin très soignée, conçue pour la productivité. Et elle donne des résultats économiques stupéfiants, bien plus que le maraîchage, avec moins d’heures de travail ! On s’est dit que si cette forme d’écoculture se répandait, ça pourrait donner naissance à un nouveau métier. Et le nom est venu tout seul : sylvanier, le jardinier de la forêt.
Y • Ce métier ne vise pas à en remplacer un autre, il ouvre une nouvelle voie.
C • Oui, et c’est en lien avec notre régime alimentaire. Si on veut sauvegarder cette planète, il faut vraiment diversifier notre régime alimentaire : il faut moins de viande et de céréales, et plus de légumes, de fruits et petits fruits, de fruits à coque, etc. Bref, ce qu’on mangeait pendant notre longue évolution préhistorique.
Et puis, on a réfléchi à d’autres types de forêts, comme la forêt comestible qui se déploierait à vaste échelle. C’est là qu’il y a vraiment de belles idées pour atténuer l’effondrement. Grâce aux concepts de la permaculture et de l’écoculture, on peut augmenter considérablement la biocapacité d’un territoire, c’est-à-dire sa capacité à produire de la biomasse, comme c’est le cas ici. Si tu peux produire davantage sur moins de surface, tu libères beaucoup d’espace pour d’autres usages : animaux, mares, prés-vergers, haies, forêts-jardins, etc.
Si ça se faisait à large échelle, on pourrait potentiellement libérer plusieurs millions d’hectares. Et pour faire quoi ? Prioritairement, pour les reboiser, pour en faire des forêts comestibles, avec une large part dédiée aux arbres nourriciers, comme les châtaigniers, les noyers, les noisetiers… des arbres au potentiel comestible élevé, avec, à leur pied, des animaux en semi-liberté, des champignons, etc.
Si on avait un million d’hectares de forêts comestibles, on pourrait élever un animal par hectare, et donc fermer bon nombre de fermes d’élevage intensif qui détruisent la forêt amazonienne par leur import de tourteaux de soja. Et puis, ça pourrait donner du bois d’œuvre, du bois énergie, des plantes médicinales, des matériaux pour l’artisanat… Ça laisse entrevoir une manière complètement différente d’habiter notre milieu de vie. Notre territoire deviendrait un puits de carbone, une oasis de biodiversité. C’est ma vision du scaling up : on cultive très intensément les parcelles les mieux adaptées, et on réensauvage à fond des pans entiers de territoire, mais de manière à ce qu’une partie produise des ressources comestibles ou utiles pour les humains.
Je pense que la microferme peut être une excellente bouée de sauvetage en cas d’effondrement. Pourtant, récemment, j’ai pris conscience qu’une microferme isolée résistera un peu plus, mais qu’elle sera laminée comme les autres. Il faut donc un changement d’échelle, un réseau de microfermes, et même des biorégions entières, qu’on restaurerait par petites taches. Et, à force de faire des petits points verts dans une région, au bout d’un moment, il y aurait une bascule, et pourquoi pas un effet d’entraînement sur les autres régions. Si les gens voient que ça fonctionne, ils se diront : « Pourquoi pas ? » Il ne faut pas baisser les bras. On est nombreux à avoir pris conscience, collectivement, qu’on peut vraiment changer les choses. Je suis conscient des menaces, mais aussi des potentialités, et j’y crois.
P • Oui, et je trouve que ces initiatives sont d’autant plus fortes qu’elles sont soutenues par une volonté politique. Si l’initiative est juste politico-politique, ça reste faible. Mais si le politique rencontre un mouvement citoyen, ça peut vraiment prendre de l’ampleur, parce que les moyens sont là. Il y a beaucoup de subventions à la clé, et puis une certaine reconnaissance. L’échelle d’une région est un peu grande, la juste mesure serait de commencer sur des villes de 1 000 à 1 500 habitants, et de faire tache d’huile. Il faut prendre des petites mairies et amener les villages à des initiatives de ce type. On peut vraiment agir à petite échelle sur la production d’énergie, l’alimentation, etc. Et puis, ensuite, décliner ce modèle partout. Il faut respecter les principes de la permaculture, c’est-à-dire faire petit, toujours petit… Si on fait très grand tout de suite, c’est compliqué.
Y • Vous connaissez bien les deux premiers principes éthiques de la permaculture : prendre soin de la Terre, prendre soin des humains. Est-ce que vous prenez assez soin de vous ?
P • On ne prend pas assez soin de nous, non. C’est un vrai regret, pour toutes ces années. On aspirait à ce que les choses changent, à prendre plus soin des enfants. J’aurais aimé pouvoir lever le pied, prendre les choses plus lentement. J’éprouve beaucoup de plaisir à me lever à 5 h du matin, mais tout est tellement enseveli sous une masse de paroles, d’actions, etc., que c’est difficile de s’arrêter. Au début, on a d’abord été dans l’intensité à cause de la crainte économique, puis on a été pris dans l’engrenage de la nécessité de prouver cette hypothèse scientifique, et aujourd’hui, je me sens acculée, obligée d’avancer pour ne pas perdre la crédibilité de tout ce qu’on a construit. J’ai peut-être aussi un peu pâti des critiques, qui sont bien moins nombreuses que les encouragements, mais pour moi ça reste très compliqué à gérer, surtout quand ça vient de nulle part et que ce n’est basé sur rien… Donc, clairement, le principe de permaculture « prendre soin des humains », on l’a négligé.
C • Perrine et moi, on ne s’est pas ménagés, ni l’un ni l’autre. Les gens nous allument sur les blogs, mais ils ne se rendent pas compte. On a tout donné, on était à la limite de nos forces.
Y • Tu dis « à la limites de nos forces »… J’ai croisé plusieurs personnes dans nos milieux qui font partie des gens les plus conscients et concernés par cette question de l’effondrement, et c’est comme si on ne pouvait pas s’empêcher de se « cramer » avant… Comment fait-on pour ne pas s’effondrer avant l’effondrement ?
C • J’avoue que je n’ai pas la réponse. C’est là où la spiritualité peut jouer un rôle fort. Mais, en ce qui me concerne, il y a eu beaucoup d’années où je me suis dit : « Un an de plus comme ça, et je meurs ! » J’ai eu des problèmes de santé assez graves. Sans compter qu’on ne rajeunit pas… Écrire ce manuel, 1 048 pages, en plus de tout le reste, ça m’a mené au bout du bout de ma vie ! Ce qui me donnait la force, c’est de savoir qu’il y a des gens qui souffrent beaucoup plus que moi, surtout dans le Sud, et que, si mon travail peut rendre service, je me sens tenu de continuer. C’est comme lorsque, en tant que marin, tu fais une traversée pénible. Une fois, je me souviens avoir traversé l’Atlantique, on s’est fait brasser pendant 29 jours sur 30 ! Et là, il faut tenir… Mais tu sais, on est très tenaces tous les deux. [Rires. Puis silence.]
C’est peut-être maso, mais, de tout temps, il y a des gens qui sont entrés en résistance contre des systèmes injustes et mortifères. Par exemple, une jeune fille de ma famille a été tuée dans la résistance, et sa mère et sa sœur se sont engagées. Elles risquaient la torture et la mort. Comme ces familles Yézidi qui luttaient contre Daesh. Et je me dis : qu’est-ce qu’on a vécu, nous ? Un peu de fatigue ? Un petit burn out ? Quand je vois l’impact qu’on pourrait avoir sur les générations à venir, je me dis que je préfère y aller. J’ai pris cinq jours de vacances en deux ans, mais j’ai la chance de récupérer assez vite. Et puis, les jardins me nourrissent. Je ne suis pas encore complètement gaga et j’ai envie de continuer.
Y • Avez-vous un dernier message pour les lecteurs d’Yggdrasil ?
C • Je pense profondément qu’un effondrement peut être une opportunité. Pour moi, l’espèce humaine n’est pas en cours de disparition, mais en cours d’apparition. C’est la première fois qu’on a une vision globale de notre planète. Notre époque a des aspects nuls et révoltants, mais aussi des aspects géniaux.
Pendant longtemps, j’ai renié la modernité, j’étais fasciné par les peuples premiers. Et maintenant, j’assume totalement : je suis heureux de vivre en 2019, je me dis que c’est une époque géniale. Les progrès sur le plan des connaissances explosent totalement : sans quitter la ferme, on est capable d’avoir accès à presque toutes les connaissances de l’humanité, d’aujourd’hui, des temps passés, des autres civilisations. Tout ça peut nourrir un progrès des consciences. La conscience de quoi ? Fondamentalement, qu’on a une seule planète. Il y a des limites, c’est un petit jardin perdu dans les étoiles. Si on le saccage, on n’en aura pas d’autres. On est à peine en train de s’ouvrir à cette conscience essentielle. L’idée que la planète a des limites, c’est tout nouveau !
J’ai eu une prise de conscience basique – vous allez rire, mais j’ai mis longtemps à l’avoir –, c’est que, dans les limites étroites de cette planète, il y a un truc qui peut croître, c’est ce qui est vivant. Une petite graine peut donner un arbre immense qui vivra 1 000 ans. Ma conviction, c’est que, si on veut survivre, il faut qu’on réalise que ce qu’il y a de plus précieux, c’est la vie. On a un bien commun, et toutes les formes de vie sont précieuses. La nature est géniale, et être vivant sur la planète Terre, c’est un cadeau, un honneur.
Y • Merci. On voulait terminer en disant qu’on vous aime, vous nous avez profondément marqués. Vous avez fait un travail remarquable, incroyable, magnifique, inspirant. Vous donnez, vous donnez, vous donnez, et on a envie de vous dire merci, merci, merci !
P • Merci, ça fait du bien.