La quadrature des ronds
Ce dont vous ne vous doutez peut-être pas, chers lecteurs et lectrices, c’est que, à Esprit Autonome, nous sommes toujours sous tension économique. En d’autres termes, nous avons toujours un œil sur la courbe des euros qui rentrent et deux yeux sur celle des euros qui sortent (c’est l’avantage d’avoir un troisième œil).
La « tension économique » est le propre des médias indépendants. Indépendants des groupes financiers, qui veulent qu’on parle d’eux en bien, ou d’actionnaires qui veulent récupérer leurs billes : « Mais c’est quoi ce bilan pourri ? Où est mon retour sur investissement ? Bon, virez-moi quelques personnes, rajoutez de la pub, diminuez le nombre de pages et ça va le faire… pour mon portefeuille. »
Alors, comme tout bon média indépendant, nous devons nous débrouiller presque tout seuls et assumer notre positionnement. On appelle ce truc un peu chiant « la cohérence ». Avant, ça ne payait pas beaucoup, mais maintenant… ça ne paye plus du tout. En bref, être cohérent, c’est cohérent, mais incompatible avec un système capitaliste.
Qui plus est, force est de constater que la conjoncture délétère, dans presque tous les domaines, pousse à la dépression. Il suffit de lire n’importe quel journal, d’écouter n’importe quelle radio pour commencer à tachycarder, puis à hyperventiler et enfin à avoir envie de se perfuser avec un mélange verveine-Rescue-CBD. N’y allons pas par quatre autoroutes : l’humain du deuxième quart de siècle du deuxième millénaire va très mal.
Et comme, à Esprit Autonome, nous aimons les difficultés, non contents de chercher de la cohérence, nous avons envie de déclencher des petits sourires au beau milieu d’un océan de morosité. Car c’est le sourire qui déclenche la joie, c’est neurologique (c’est notre directrice de publication qui me l’a dit l’autre jour, et comme elle est très calée en neurosciences et surtout que c’est la directrice, je la crois).
Bon, avec tout ça, il ne me reste plus beaucoup de temps ni d’espace (car cet édito ne doit pas
faire plus de 3 500 signes et que lorsque l’on est contraint par l’espace en écriture, le temps se contracte aussi, je ne sais pas si c’est quantique, en tout cas c’est stressant, surtout quand on fait des apartés entre parenthèses bien trop longs) pour vous informer que nos perspectives financières ne nous permettent pas de voir plus loin que la fin de cette année 2025. Aussi avons-nous décidé de lancer aujourd’hui une grande campagne pour trouver des financements. Cependant, comme la grande majeure partie de la presse indépendante a la même problématique et cherche également des fonds, nous allons procéder différemment. En effet, outre des milliers d’abonné·e·s (on vous adore) et d’acheteurs et acheteuses en kiosque (on vous aime), nous cherchons Une personne. Une unique personne dont je dresse ci-après le profil.
« Recherche une personne ayant beaucoup d’argent. Très très beaucoup d’argent. Afin de donner l’opportunité à la presse indépendante d’exister. Car cette presse est économiquement non viable du fait de son ADN principal : l’indépendance. Et que cette presse a une place indispensable dans notre monde qui part en vrille. Alors, si tu as des millions à perdre, de l’humour et un cœur gros comme ça (je le fais avec mes mains, du coup c’est difficile à voir), écris-nous. Tu participeras à faire sourire des centaines de milliers d’humains, ce dont nous avons infiniment besoin par les temps qui courent. Alors, qui veut gagner des millions… de sourires ? »
Edito du n°15 d’Esprit Autonome – mars 2025