Qu’est-ce qu’être libre ? Pour notre société moderne, la liberté est la vie débarrassée des tâches quotidiennes de subsistance : une sorte d’idéal d’émancipation par l’affranchissement des limites. Le problème est que pour arriver à ce rêve, il faut faire faire les tâches pénibles à d’autres humains (esclaves, femmes, travailleurs), à des animaux ou à des robots. Dans tous les cas, en exploitant la nature. Cette liberté « moderne » n’est qu’un privilège d’aristo ! Un rêve de domination ! La révolution industrielle a nourri cet espoir capitaliste et marxiste d’une « délivrance » des masses par une abondance matérielle et technologique. Résultat de ce rêve de flemmards ? Injustices sociales et désastre écologique.

Dans cet essai remarquable, le philosophe paysan tarnais Aurélien Berlan expose une nouvelle conception de la liberté, conçue à l’épreuve de son vécu et à distance des abstractions intellectuelles et transhumanistes. Sont libres les personnes autonomes, c’est-à-dire vivant dans un collectif non seulement capable de se fixer ses propres règles, mais aussi et surtout de subvenir à ses propres besoins (ajustés), en interdépendance avec le monde. Autrement dit, pour ne pas dominer les autres et la nature, tout le monde doit participer aux travaux collectifs ! Cette « conception terrestre de la liberté » nécessite évidemment un libre accès à la terre. Dès lors, en résonance avec le mythique slogan d’émancipation anarchiste « Terre et Liberté ! », cette philosophie horizontale et ancrée renoue avec les luttes paysannes, féministes et populaires d’hier et d’aujourd’hui, tels les Zapatistes ou les Soulèvements de la Terre. Génial ! Du pur Esprit Autonome !

Aurélien Berlan, Terre et liberté, La Lenteur, 2022